NFT : la notification par NFT, une première avec le Common Law… et peut-être bientôt en Droit Civil

Ce qui fait du Common Law un instrument sans égal, c’est le fait qu’il est prompt à innover et s’adapte rapidement aux nouvelles technologies.
En effet, le mois de juin a été riche en nouvelle approche juridique du cyberespace. La Cour Suprême de l’Etat de New York d’une part et la Haute Cour d'Angleterre et du Pays de Galles d'autres parts, ont toutes deux respectivement émises une notification à comparaitre sous forme de Airdrop cryptomonnaie le 1er et le 24 juin à deux wallets responsables de piratage et vol de cryptomonnaies en plus de quelques Exchanges (bourse de change crypto) tels Binance, Poloniex, gate.io, OKX (autre fois OKEx) and Bitkub. Les plaignants sont pour l’un LCX AG (« LCX ») est une bourse d’échange cryptomonnaie basée au Liechtenstein et pour l’autre, Fabrizio D’Aloia, un ingénieur italien.
Contenu de la plainte
LCX AG (« LCX ») et Fabrizio D’Aloia sont tous deux, victimes de vols de cryptomonnaies par des individus ou groupes d’individus ayant utilisés des wallets non identifiés. Dans l’affaire de LCX AG vs John Does 1-25, le 8 Janvier 2022, le notifié, au nom de John Does 1-25 a eu accès au wallet de la compagnie LCX AG et a transféré une somme en cryptomonnaie équivalent à 7.94 million de dollars. Le notifié a ensuite « blanchi » cet argent en le faisant passer par le mixeur « Tornado Cash » qui utilise un système d’anonymisation des transferts en transférant les sommes en cryptomonnaies sur d’autres wallets non identifiés. LCX AG est convaincu d’avoir réussi à tracer un wallet appartenant au notifié et qui détient aujourd’hui encore 1.274 million de la somme volée.
Dans l’affaire de Fabrizio D’Aloia vs Inconnu, Binance, Poloniex, Gate.io, OKX et Bitkub, D’Aloia déclare que les cryptomonnaies qu’il détenait ont été détournées par des personnes inconnues se faisant passer pour des courtiers qui auraient utilisé un service de courtage en ligne de site clôné. Il lui aurait demandé de transférer les cryptomonnaies en sa possession vers deux wallets afin qu’elles soient placées.
Notification via NFT en utilisant le célèbre « Airdrop » de cryptomonnaie.
Il y a deux éléments importants à comprendre ici : la notification au sens légal du terme et le Airdrop de cryptomonnaie au sens technique.
La notification
C’est une formalité par laquelle on tient officiellement une personne informée du contenu d’un acte par laquelle entre autres, on la cite à comparaitre.
Le Airdrop de cryptomonnaie
Selon Investopedia, le Airdrop de cryptomonnaie est une stratégie marketing qui consiste à envoyer des tokens ou des coins à des wallets afin de promouvoir la sortie d’une nouvelle cryptomonnaie.
L’approche des cours de New York et d’Angleterre et du Pays de Galles
Généralement, une notification à comparaitre suit une procédure bien définie. La notification est envoyée à l’adresse personnelle du notifié. S’il s’avère impossible de procéder ainsi, la notification peut être publiée dans un journal populaire.
Dans le cas des nouvelles technologies et notamment la blockchain et les wallets, nous parlons de « pseudonymisation » et parfois d’ « anonymisation » de l’identité. Une personne ou groupe de personnes peut être identifiée uniquement par une suite alphanumérique appelée adresse de wallet. La particularité de la blockchain, c’est que même s’il est difficile d’identifier nommément une personne, il n’en demeure pas moins qu’il reste facile de tracker l’adresse du wallet et suivre le mouvement des cryptomonnaies, notamment par différents types de site : Etherscan pour Ethereum, Bitcoin Explorer pour Bitcoin, Solana explorer, etc.
Ce tracking permet ainsi d’avoir l’adresse ou une des adresses du wallet incriminé et de pouvoir ainsi et de façon pseudonyme ou anonyme, notifier son propriétaire d’une procédure en cours contre lui. Cette notification est contenue dans un NFT qui est envoyé à l’adresse du wallet du notifié. Ce NFT contient un lien qui permet au notifié de voir le contenu de son incrimination et un système de localisation qui permet de suivre les faits et gestes du notifié.
Une innovation juridique et ses limites
C’est une innovation dans le petit monde du droit qui s’habitue à de plus en plus d’affaires cybercriminelles. Désormais, il est donc possible de porter en justice des affaires d’escroquerie et dans une moindre mesure, d’espérer leur résolution grâce au NFT. Ceci ouvre une toute nouvelle perspective pour les cours de justice notamment dans les affaires civiles. Nul ne pourra jurer de n’avoir pas été notifié pour une affaire le concernant.
La limite à ce nouvel outil est pour le moment du côté du suivi des notifiés qui dérobent des millions en cryptomonnaies. Ce sont avant tout des professionnels qui plus que personne d’autres, sont au courant des techniques de tracking. Il deviendra difficile de les leurrer avec un simple NFT.
Et le monde du Droit Civil dans tout ça ?
Toujours à la traine, c’est un fait !
L’Union Européenne s’est donnée encore quelques mois pour légiférer sur la nature des NFTs. C’est une hérésie quand on sait que le terme NFT englobe un standard Ethereum (ERC721) qui possède en son sein, un code générant des droits digitaux neutres. Ces droits digitaux sont interprétables sous toutes formes de juridiction. C’est ce qui fait la force du NFT. Ces droits digitaux sont matérialisés par des fonctions (functions) qui les créent lorsqu’un contrat intelligent est déployé sur une blockchain. C’est notamment ce qui rend transférable un NFT, échangeable et surtout nominatif !
Conclusion
Vu la nature des droits digitaux crées et leur personnification, il serait plus pertinent pour le Droit Civil et le Common Law, de passer du NFT au SBT afin de s’assurer que la notification ne soit pas transférée vers un autre wallet en passant par un mixeur(anonymisation).