Quel est le rôle de l'Etat à l'ère de la blockchain ?
Dernière mise à jour : 9 août 2022

Voilà bien une question qui a trottiné dans ma tête les dix dernières années en ma qualité de juriste et de développeur puis évangéliste blockchain?
Droit constitutionnel
Le premier cours de droit que j'ai reçu à la fac de droit en Russie concernait le rôle de l'Etat et ses différentes fonctions. De Hobbes et Bodin, j'ai appris que l'Etat était souverain quelque soit sa forme de gouvernance : gouvernement ou monarque.
De Georges Jellinek, j'ai appris que l'Etat avait six compétences :
l'autodétermination,
la sécurité,
le monopole du pouvoir
la régulation
la protection légale
et la promotion de sa culture
De Max Weber, j'ai appris que l'Etat était avant tout une représentation de la force, force brute, mais également force contraignante !
J'ai également appris de Roland Axtman, que l'unité souveraine de l'Etat était l'autorité finale qui ne recevait en aucun cas, une forme d'ordre venant d'ailleurs. Il a d'ailleurs définit qu'un Etat devenait une nation dès que tous les peuples sur son territoire en autodétermination acceptaient l'Etat comme source primaire et légitime de tout pouvoir. De cette assertion naît la démocratie, le pouvoir légitime que tout gouvernement doit posséder pour véritablement règner et imposer la Loi.
Cette vision est celle que l'Occident a partagé avec le reste de l'humanité les deux derniers siècles.
Weber, la force et la légitimité
Ce qui jusqu'à présent légitimait la force de l'Etat, c'est l'absence de vengeance entre deux individus privés (moral ou physique).
Par la grande Loi, constitution, les peuples indépendamment de leur statut social, s'engagent à récourir à la seule source légitime qui possède le monopole de la force et de l'autorité afin d'obtenir justice : l'Etat.
Entendons nous bien : l'Etat remplit plusieurs rôles : social, économique, politique et juridique ! Il est le tiers de confiance par excellence vers qui tous se tournent en cas de désaccord. Ainsi, le prix de la confiance est abordable pour tous, de l'enfant qui naît au vieillard sur son lit de mort, tous profitent de la sécurité que garantie l'Etat en échange de la confiance qu'ils lui donnent.
La perte du monopole de la force
Que se passe-t-il lorsqu'un Etat n'est plus en mesure de garantir une confiance abordable à ses citoyens ? Que se passe-t-il lorsque la classe politique pervertie et abuse la confiance des citoyens ?
L'Etat perd sa légitimité. On peut parler d'Etat fantoche ou même fantôme qui ne sert plus que les intérêts de quelques uns. Le contrat social de Rousseau qui liait les peuples et l'Etat est détruit. Désormais, il ne subsite qu'un état chaotique. Les exemples sont nombreux cette dernière décennie : gilets jaunes en France, convoy of freedom au Canada, coups d'Etat au Mali, etc.
Lorsque le prix de la confiance s'élève, le contrat entre personnes privées (physique ou morale) devient difficile à assurer. Le tiers de confiance qu'est l'Etat ne sert plus à rien. Dans cette forme de situation, plusieurs choix s'offre au peuple : chasser le gouvernement en place, couper la tête du monarque, proclamer une nouvelle constitution, etc
La voie cryptographique
Afin de retrouver une confiance dont le prix est à nouveau accessible à tous, des anarchistes technologues, les cypherpunks ont imaginé un autre moyen qui vienne concurrencer le rôle de tiers de confiance de l'Etat : la blockchain.
Sa particularité ? assurer la confiance de façon décentralisée à un coup aussi équivalent sinon inférieur à celui de l'Etat. En réalité, tout est transaction : du timbre que nous achetons aux impôts que nous payons à l'Etat, nous faisons acte d'achat de la confiance.
Ces dernières années, le prix à payer pour la confiance à soudainement éclaté. Ce qui poussent de plus en plus de citoyens à rechercher un autre acteur beaucoup moins cher, plus sur et moins porté sur les intérêts de quelques uns seulement.
L'Etat, le virtuel et la liberté
Dans un espace complètement virtuel où continue de se passer des interactions sociales et des échanges économiques et politiques, il devient difficile pour l'Etat d'y assurer la fonction que Weber chérit tant : le monopole de l'utilisation légitime de la force.
Dans le cas où l'Etat perd son monopole d'utilisation légitime de la force dans un environnement nouveau, il perd une partie importante de ce qui fait sa légitimité. Ainsi, il lui reste un choix à faire : soit il abandonne dans ces espaces virtuels dits cyberespace, le monopole de l'utilisation de la force à des entités privées, ou alors, dans un effort d'intégration, il reconnait cet espace comme étant également soumis à son monopole, donc pouvant être réglementé par lui. Pour acquérir sa légitimité dans ce cyberespace, l'Etat travaillera à protéger la liberté et l'autonomie de ses citoyens en échange d'une partie de la confiance que ces citoyens, personnes privées, auront donné dans un premier temps à la machine qui est autonome et donc à des entités privées qui possèdent ces machines, les différentes communautés blockchain, nouvelle forme de tribu ou peuple.
Que fera l'Etat ?